2 mai 2007
Celui qui se prenait pour le Pen
Je ne comprenais vraiment pas pourquoi, malgré les évidences et les multiples mises en garde de l’extrême gauche, de la gauche, d’une partie du centre et même de la droite, Nicolas Sarkozy continuait à monter dans les sondages. Alors que si vous interrogiez les gens, la plupart étaient d’accord pour dire que cet homme est dangereux, les sondages n’en avaient cure et il continuait à caracoler en tête et à faire la nique à sa rivale. J’écris au passé mais c’est toujours le cas aujourd’hui. J’écris au passé parce que je viens enfin de comprendre ce qui se passe : plus l’alerte sera donnée, plus il sera montré du doigt et plus sa place de premier sera assurée.
Si je n’avais pas compris ce qui se passait, c’est que j’ai la mémoire courte, j’avais déjà oublié le cas le Pen. Cela ne s’est pourtant pas passé il y a si longtemps que cela et pire, ce n’est même pas sûr qu’il n’ait pas d’avenir. Mais qu’importe ! Ce dont je me suis souvenu, c’est la manière dont sa courbe popularité a évolué au fil du temps et comment les gens ont voté pour lui. Rappelez-vous toutes ces années passées à le diaboliser. Il incarnait le mal absolu et les autres partis, tous les autres partis, ne cessaient de le clamer sur tous les tons. Le résultat, c’est que son image était exécrable. C’était bien. Sauf que dans le secret des urnes, l’homme montait jusqu’à l’apothéose, avril 2002, quand il a réussi à décrocher une place en finale. Depuis, que s’est-il passé ? Il a voulu se doter d’un vernis de respectabilité et ma foi, il y est en partie parvenu. Le front national n’était plus le grand méchant loup. Sa popularité augmentait et l’avenir semblait prometteur. Mais dans le secret des urnes, ses électeurs ne l’ont pas suivi. Il n’était plus le danger, il n’était plus intéressant, ils ne voteraient pas pour lui.
Tandis que le Pen jouait la respectabilité, un autre prenait le relais, saisissant le témoin à pleines mains. J’ai nommé Nicolas Sarkozy. Le terrain laissé libre par la respectabilité naissante d’un le Pen vertueux, il s’en est emparé et l’a occupé à vrai dire assez intelligemment. Orientant ses discours vers les thèses faisandées de l’extrémisme de droite, tout en s’en défendant (le Pen n’a jamais fait autre chose que s’en défendre, lui-même se situant au centre droit) n’hésitant pas à se comparer au vieux maître (n’a-t-il pas repris sa phrase : « je dis tout haut ce que les Français disent tout bas ») Il incarnait le renouveau de l’homme sulfureux, dangereux mais fort.
Et c’est là le maître mot : fort. Qu’importe le discours, seule l’apparence compte. Les Français n’ont retenu que cela : Sarkozy est un homme qui en a dans la culotte. Mieux encore, son odeur de souffre les fait bander. Il les fait frissonner. Et c’est encore mieux qu’avec le Pen puisque malgré tous ses excès, Nicolas Sarkozy passe encore pour un démocrate et un républicain. Le frisson sans risque, l’impression d’en être un vrai sans même avoir à jouer avec le feu. On pourra se désoler d’un raisonnement aussi stupide mais c’est la vérité. Passer pour un homme fort en choisissant l’outrance, associer excessivité et énorme paire de couilles, c’est cela qui fonctionne.
Là où le bat blesse, c’est que les Français (ceux qui tiennent ce raisonnement en tout cas) se trompent. Non, ce n’est pas parce qu’on joue avec le feu qu’on est un homme fort. On est simplement un homme dangereux. Non, ce n’est pas parce qu’un homme est diabolisé par une partie du système qu’il a forcément raison et qu’il est courageux. Non, c’est un pleutre qui joue sur l’imbécillité des pauvres d’esprit.
Il est peut-être déjà trop tard et Nicolas Sarkozy réussira peut-être là où Jean-Marie le Pen a échoué : prendre le pouvoir. Il nous restera alors à espérer ou prier pour que toutes ses promesses ne soient qu’électorales, qu’il ne fera rien de ce qu’il a promis. Dans le cas contraire, ses électeurs auront largement le temps de se mordre les doigts sur leur stupide définition de l’homme fort car nous en aurons pour longtemps.
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