Vivre en France pas en Aultrie
Je reprends ce terme de Bertrand de Jouvenel dans un ouvrage intitulé "De la politique pure"-1963 dans lequel il illustre son propos par l'arrivée d'un enfant dans une nouvelle école :
"Tant de voix, tant de visages, tout d'un coup, excèdent sa capacité de distinguer, d'individualiser : de prime abord il ne perçoit pas d'individus, mais plutôt une sorte de collectif, auquel le voila livré, qui l'environne et l'enserre, un être, qui, par ses différents aspects, tantôt lui oppose un mur de dos, tantôt lui fait subir une bourrade et, par des bouches différentes, lui pose des questions et lui donne des ordres qui se conjuguent pour l'abasourdir.
Oui, la première impression, intense, est que tout le non-Moi est partie d'un géant énigmatique et exigeant auquel il faut désormais obéir, et lorsqu'elle vient bientôt à se dissiper, il reste, bien plus durable, le sentiment que "tous les autres" sont ici "chez eux" et que le sujet seul est étranger.
Sans doute, on peut dire que l'enfant est ici un "immigrant" arrivant dans une société établie."
Nous sommes tous en Aultrie.
Que peut-il advenir d'une société dans laquelle nous nous sentons tous étrangers, sinon le chaos des Moi?
S'il y a un moyen de se rassembler ce sera plus aisé dans l'image de la mère que dans celle du père fouettard.
C'est un choix fondamental que nous prennons aujourd'hui pour l'avenir, la responsabilité de chacun y est engagée.